Il était fatigué de ce vieux monde livré aux caprices des dieux. Il voulait le changer, mais n’y arrivait pas. Alors il se dit : « Créons un monde imaginaire avec des histoires où l’humanité serait libre ». Et il inventa le théâtre. Et il fut content et beaucoup de gens avec lui.
Mais un jour, il se lassa : « Je n’y crois plus. C’est trop factice, ça manque de naturel et de sensations fortes. Je veux faire rentrer des locomotives dans la salle, être au coeur du vol des oiseaux, explorer des mondes lointains ou imaginaires. » Alors, il invita des amis dans une salle obscure et inventa le cinéma. Et il fut très content, et beaucoup d’autres avec lui.
Mais au bout d’un certain temps, notre homme se fatigua. « J’ai la flemme de me déplacer. Et puis c’est si dangereux dehors. Je veux de belles histoires mais sans sortir de chez moi. » Alors il s’enferma dans son salon et il inventa la télévision. Et il fut très content, et encore plus de gens avec lui. Mais très vite, la télévision l’ennuya : « C’est trop passif. Je veux vivre de belles histoires, mais je veux les construire moi-même. Et je veux en être le héros, rencontrer d’autres personnages, mourir et renaître quand il me plaira ». Il s’enferma dans sa chambre et il inventa coup sur coup l’ordinateur, les jeux vidéo, les réseaux sociaux. Avec sa souris, il se prit pour un dieu. Et il fut très content, et avec lui d’autres avatars likèrent en masse à coup d’émoticônes.
Mais bientôt, il se dit : « Ça ne va plus du tout : j’ai mal au crâne, mon lit regorge de vieilles pizzas, il règne dans ma chambre une insoutenable odeur de renfermé. » Alors il posa son casque, ferma son ordinateur, sortit de chez lui et il réinventa le théâtre. Il y trouva tout ce qu’il cherchait : la 3D, le temps réel, les belles histoires, de vrais gens (dont certains sont devenus ses amis) et le sentiment de faire partie du monde. Depuis il est très content, et tout le monde avec lui. Et ça dure encore aujourd’hui.
Jean Boillot