Le Faiseur de Théâtre

Alors même que cette pièce semble moquer férocement le théâtre, pour un metteur en scène elle est sans conteste une mine pour le célébrer avec jubilation.

Le dramaturge et comédien d’état Bruscon débarque avec femme, fils et fille –la troupe au grand complet – dans un trou de la campagne autrichienne profonde, Utzbach. Ce soir, à l’auberge-boucherie le Cerf noir, dans la vétuste salle de bal (de loto ?), il doit jouer son grand œuvre "La Roue de l’Histoire". Ce sublime opus, qui réunit sur le plateau Napoléon, Churchill, Hitler, Marie Curie…, ne devrait pas trouver ici les meilleures conditions de représentation : c’est crasseux, la porcherie jouxte la salle polyvalente, impossible d’y faire le noir, … et ça sent le néant culturel aussi sûr que ça sent le cochon et l’orage. Quant à sa femme, elle tousse.

Théâtre dans le théâtre, avec, dans le rôle principal, un avatar du contempteur et imprécateur que fut Thomas Bernhard. Entre ineffable et grotesque, le grand ‘faiseur’ autrichien nous propose une pièce troublante qui pose la question de l’art, de la nécessité du théâtre, où s’expose le monde qu’il réfléchit comme un miroir grossissant, la question de son rayonnement et de sa faculté à éveiller la rébellion et l’indignation.

A Utzbach la pièce de Bruscon ne s’est pas jouée mais, au Théâtre en Bois, Julia Vidit – d’aucuns se souviennent de son Fantasio en 2009–et ses comédiens nous aurons conviés à un vrai moment de théâtre.